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  • 1829
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Il fallait donc vous en servir et le faire juger.

HENRI

Les parlements sont pour lui.

SAINT-MEGRIN

Il fallait imposer aux parlements la puissance de votre volontÇ. La Bastille a de bonnes murailles, de larges fossÇs, un gouverneur fidäle; et M. de Guise, en s’y rendant, n’aurait eu qu’Ö suivre les traces des marÇchaux de Montmorency et de CossÇ.

HENRI

Mon ami, il n’y a pas de murailles assez solides pour enfermer un tel prisonnier…Je ne connais qu’un cercueil de plomb et un tombeau de marbre qui puissent m’en rÇpondre…Mets-le seulement en Çtat d’y entrer, Saint-MÇgrin,…et je me charge de faire fondre l’un et d’Çlever l’autre.

SAINT-MEGRIN

Et, cela Çtant, sire, il sera puni, il est vrai, mais non pas comme il l’aura mÇritÇ.

HENRI

Peu m’importe la diffÇrence des moyens, quand le rÇsultat est le màme…J’espàre, Saint-MÇgrin, que tu n’as rien nÇgligÇ pour te prÇparer Ö ce combat.

SAINT-MEGRIN

Non sire; mais je n’ai pas encore eu le temps d’accomplir mes devoirs religieux.

HENRI

Comment, tu n’en as pas eu le temps?…As-tu donc oubliÇ le duel de Jarnac et de la Chataigneraie?…Il avait ÇtÇ fixÇ Ö quinze jours de celui du dÇfi…Eh bien, ces quinze jours, Jarnac les a passÇs en priäres, tandis que Chataigneraie courait de plaisirs en plaisirs, sans penser autrement Ö Dieu…Aussi, Dieu l’a puni, Saint-MÇgrin.

SAINT-MEGRIN

Sire, mon intention est d’accomplir tous mes devoirs de chrÇtien; mais, auparavant, il en est d’autres qui m’appellent…Permettez…

HENRI

Comment, d’autres?

SAINT-MEGRIN

Sire, ma vie est entre les mains de Dieu…et, s’il a dÇcide ma mort, sa volontÇ soit faite!

HENRI

Eh!…que dites-vous lÖ…Votre existence vous appartient-elle, monsieur, pour en faire si peu de cas?…Non, par la mort-Dieu! elle est Ö nous qui sommes votre roi et votre ami. Quand il s’agira de vos affaires, vous vous laisserez tuer, si tel est votre bon plaisir; mais, quand il s’agira des nìtres, monsieur le comte, nous vous prions d’y regarder Ö deux fois.

SAINT-MEGRIN

Vrai-Dieu! sire, je ferai de mon mieux; soyez tranquille.

HENRI

Tu feras de ton mieux?…Ce n’est point assez: fais-lui jurer qu’il n’a ni plastron, ni talisman, ni armes cachÇes; et, quand il l’aura fait, alors rappelle toute ta force, tout ton courage; pousse vivement Ö lui.

SAINT-MEGRIN

Oui, sire.

HENRI

Une fois dÇlivrÇ de lui, vois-tu, nous ne sommes plus deux en France, je suis vraiment roi,…vraiment libre…Ma märe va àtre fiäre du conseil qu’elle m’a donnÇ; car, tu avais raison, il vient d’elle, et il faudra que je le paye en obÇissance…

SAINT-MEGRIN

Sire, Dieu et mon ÇpÇe me seront en aide.

HENRI

Ton ÇpÇe, je veux en juger par moi-màme… (Il appelle) Du Halde! apporte des ÇpeÇs ÇmoussÇes.

SAINT-MEGRIN

Sire, est-ce Ö une pareille heure, quand Votre MajestÇ doit avoir besoin de repos?…

HENRI

Du repos!…du repos!…Ils sont tous Ö me parler de repos!… Crois-tu qu’il dorme, lui?…ou, s’il dort, que ràve-t-il? Qu’il commande insolemment sur le trìne de France, et que moi…moi, son roi…je prie humblement dans un cloÃ¥tre…Un roi ne dort pas, Saint-MÇgrin. (Appelant) Du Halde! donne-nous ces ÇpÇes.

SAINT-MEGRIN

L’heure s’envole; elle m’attend. (Haut) Sire, il m’est impossible; vous m’avez rappelÇ des devoirs sacrÇs, il faut que je les accomplisse.

HENRI

Eh bien, Çcoute, demain… (L’heure sonne) Attends, c’est minuit je crois?

SAINT-MEGRIN

Oui, sire, c’est minuit.

HENRI

Chaque fois que sonne cette heure, je prie Dieu de bÇnir le jour oó je vais entrer…Il faut que je te quitte; mais viens me trouver demain avant le combat. Du Halde, porte ces ÇpÇes dans ma chambre.

SAINT-MEGRIN

J’irai, sire, j’irai.

HENRI

Bien, je compte sur toi.

SAINT-MEGRIN

Maintenant, je puis me retirer. Votre MajestÇ est satisfaite.

HENRI

Oui, le roi est si content, que l’ami veut faire quelque chose pour toi…Tiens, voici un talisman sur lequel Ruggieri a prononcÇ des charmes; celui qui le porte ne peut mourir, ni par le fer, ni par le feu. Je te le pràte; tu me le rendras, au moins, apräs le combat?

SAINT-MEGRIN

Oui, sire…

HENRI

Adieu, Saint-MÇgrin.

SAINT-MEGRIN

Adieu, sire, adieu!… (Le roi sort)

SCENE VIII
SAINT-MEGRIN, GEORGES

SAINT-MEGRIN

Je suis seul, enfin. (Appelant) Georges!…Ah! te voilÖ…Mon costume…Bien…Aide-moi!…Aide-moi!…

GEORGES

Vous allez sortir…Voulez-vous que je fasse venir une chaise Ö porteurs?

SAINT-MEGRIN

Non…

GEORGES

Le temps est Ö l’orage.

SAINT-MEGRIN

Oui. (Allant Ö la fenàtre, avec un rire convulsif) Il n’y aura bientìt plus une Çtoile au ciel…

GEORGES

Et vous allez sortir Ö pied?

SAINT-MEGRIN

Oui, Ö pied…

GEORGES

Sans armes?…

SAINT-MEGRIN

J’ai mon ÇpÇe et mon poignard, cela suffit…Cependant, donne-moi l’ÇpÇe de Schomberg; elle est plus forte. (A part) Je vais la voir; encore un instant et je suis Ö ses pieds.

GEORGES

La voici…Voulez-vous que je vous accompagne?

SAINT-MEGRIN

Non. Il faut que je sorte seul.

GEORGES

A minuit passÇ!…que dirait votre märe si elle savait?

SAINT-MEGRIN

Ma märe!…oui, oui, tu as raison…L’orage s’Çtend…Ma pauvre märe!…je voudrais bien la revoir,…ne fñt-ce qu’un instant. Ecoute: tu lui donneras cette chaÃ¥ne (coupant une boucle de ses cheveux avec son poignard), ces cheveux, demain, si tu ne me vois pas, entends-tu?

GEORGES

Et pourquoi, pourquoi?…

SAINT-MEGRIN

Tu ne sais pas, tu ne sais pas…Donne-moi mon manteau…

GEORGES

Mon maÃ¥tre,…mon jeune maÃ¥tre,…ne sortez pas, au nom du ciel!…la nuit sera terrible.

SAINT-MEGRIN

Oui, peut-àtre terrible… (A part) n’importe, il le faut, elle m’attend; j’ai tardÇ beaucoup…MalÇdiction! s’il Çtait trop tard…

GEORGES

Au nom du ciel, laissez-moi vous suivre.

SAINT-MEGRIN, avec coläre

Reste, je te l’ordonne.

GEORGES

Mon maåtre!

SAINT-MEGRIN, lui tendant la main

Non! embrasse-moi…Adieu…N’oublie pas ma märe.

ACTE CINQUIEME
Le salon dans lequel la duchesse de Guise est enfermÇe

SCENE PREMIERE
LA DUCHESSE DE GUISE, seule

Elle a encore sur la tàte les fleurs dont elle Çtait parÇe au troisiäme acte; elle Çcoute sonner l’heure

Minuit et demi…Avec quelle lenteur l’heure se traÃ¥ne…Oh! s’il pouvait m’aimer assez peu pour ne pas venir…Jusqu’Ö une heure du matin, les portes de l’hìtel resteront ouvertes; dÇjÖ j’y ai vu entrer les ligueurs qui doivent s’y rÇunir. Sans doute, il n’Çtait pas avec eux. Encore une demi-heure d’angoisses et de tourments… et, depuis deux heures que je suis enfermÇe dans cette chambre, je n’ai fait qu’Çcouter si je n’entendais point le bruit de ses pas. J’ai voulu prier;…prier!… (Ecoutant en se rapprochant de la porte) Ah! mon Dieu! Non…non…ce n’est pas encore lui… (Allant Ö la fenàtre) Si cette nuit Çtait moins sombre, je pourrais l’apercevoir, et, par quelque signe, peut-àtre, l’avertir du danger; mais nul espoir!…La porte de l’hìtel se referme!…il est sauvÇ! pour cette nuit du moins…Quelque obstacle l’aura arràtÇ loin de moi. Arthur n’aura pu le trouver; et peut-àtre, demain, sera-t-il quelque moyen de lui faire connaÃ¥tre le piäge oó on voulait l’attirer. Oh! oui, j’en trouverai…je… (Ecoutant) J’ai cru entendre. (S’approchant de la porte) Des pas, encore! Sont-ce ceux de M. de Guise?…Non, non,…On monte; on s’arràte. Ah! on se rapproche…On vient! (Avec effroi) N’entrez pas! n’entrez pas! fuyez! Fuir, et comment? C’Çtait derriäre lui que la porte s’Çtait refermÇe. Ah! mon Dieu! plus d’espoir!

(La porte s’ouvre; elle recule Ö mesure que Saint-MÇgrin s’avance)

SCENE II

LA DUCHESSE DE GUISE, SAINT-MEGRIN

SAINT-MEGRIN

Je ne m’Çtais donc pas trompÇ; c’Çtait votre voix que j’avais entendue; elle m’a guidÇ!

LA DUCHESSE DE GUISE

Ma voix! ma voix! elle vous disait de fuir.

SAINT-MEGRIN

Que j’Çtais insensÇ! je ne pouvais croire Ö tant de bonheur!

LA DUCHESSE DE GUISE

Cette porte est encore ouverte! fuyez, monsieur le comte, fuyez!

SAINT-MEGRIN

Ouverte! oui…Imprudent que je suis! (Il la referme)

LA DUCHESSE DE GUISE

Monsieur le comte, Çcoutez-moi!

SAINT-MEGRIN

Oh! oui, oui! parle! j’ai besoin de t’entendre, pour croire Ö ma fÇlicitÇ.

LA DUCHESSE DE GUISE

Fuyez, fuyez! la mort est lÖ!…des assassins!

SAINT-MEGRIN

Que dites-vous! quels sont ces mots de mort et d’assassins?

LA DUCHESSE DE GUISE

Oh! Çcoutez-moi,…Çcoutez-moi…Au nom du ciel! sortez de ce dÇlire insensÇ…Il y va de la vie, vous dis-je! ils vous ont attirÇ dans un piäge infernal; ils veulent vous assassiner.

SAINT-MEGRIN

M’assassiner! cette lettre n’Çtait donc pas de vous?

LA DUCHESSE DE GUISE

Elle Çtait de moi; mais la violence, la torture…Voyez! (Elle lui montre son bras) Voyez…

SAINT-MEGRIN

Ah!

LA DUCHESSE DE GUISE

C’est moi qui ai Çcrit ce billet;…mais c’est le duc qui l’a dictÇ.

SAINT-MEGRIN, le dÇchirant

Le duc! et j’ai pu croire?…Non, non, je ne l’ai pas cru un seul instant. Mon Dieu! mon Dieu! mon Dieu! elle ne m’aime pas!

LA DUCHESSE DE GUISE

Maintenant que vous savez tout, fuyez, fuyez! je vous l’ai dit, il y va de la vie.

SAINT-MEGRIN

Elle ne m’aime pas…

(Il met sa main dans sa poitrine, et la meurtrit)

LA DUCHESSE DE GUISE

Oh mon Dieu! mon Dieu!

SAINT-MEGRIN, riant

C’est ma vie, dites-vous, qu’ils veulent? Eh bien, je vais la leur porter, mais sans rien conserver de vous! tenez, voilÖ ce bouquet, que mon existence a failli payer. D’un mot, vous m’avez dÇtachÇ de la vie, comme ces fleurs de leur tige…Adieu! adieu! pour jamais! (Il veut rouvrir la porte) Cette porte est renfermÇe.

LA DUCHESSE DE GUISE

C’est lui! il sait dÇjÖ que vous àtes ici.

SAINT-MEGRIN

Ah! qu’il vienne! qu’il vienne! Henri! n’auras-tu de courage que pour meurtrir les bras d’une femme?…Ah! viens! viens!

LA DUCHESSE DE GUISE

Ne l’appelez pas! ne l’appelez pas! il doit venir!…

SAINT-MEGRIN

Que vous importe? je vous suis indiffÇrent. Ah! la pitiÇ! oui…

LA DUCHESSE DE GUISE

Mais, si vous m’aidiez, peut-àtre pourriez-vous fuir.

SAINT-MEGRIN

Moi, fuir! et pourquoi? ma mort et ma vie ne sont-elles pas des ÇvÇnements Çgalement Çtrangers dans votre existence?…Fuir! et fuirais-je aussi votre indiffÇrence, votre haine peut-àtre?

LA DUCHESSE DE GUISE

Mon indiffÇrence! ma haine! ah! plñt au ciel!…

SAINT-MEGRIN

Plñt au ciel! dis-tu? Un mot, un mot encore, et je t’obÇirai aveuglement…Dis; ma mort doit-elle àtre pour toi plus affreuse que l’assassinat d’un homme?

LA DUCHESSE DE GUISE

Grand Dieu! il le demande…Oh! oui, oui.

SAINT-MEGRIN

Tu ne me trompes pas! je te rends grÉce! Tu parlais de fuir! de moyens! Quels sont-ils? Fuir, moi, fuir devant le duc de Guise?… Jamais!…

LA DUCHESSE DE GUISE

Ce n’est pas devant le duc de Guise que vous fuiriez, c’est devant des assassins. Retenu dans une autre partie de l’hìtel, par cette rÇunion de ligueurs, il a voulu s’assurer qu’une fois ici, vous ne sauriez lui Çchapper. Si nous pouvions seulement fermer cette porte, nous aurions encore quelques instants; mais la barre en a ÇtÇ enlevÇe; une seconde clef est entre ses mains (cherchant), et l’autre…

SAINT-MEGRIN

N’est-ce que cela? Attendez. (Il brise la pointe de son poignard dans la serrure) Maintenant, cette porte ne s’ouvrira plus qu’on ne l’enfonce.

LA DUCHESSE DE GUISE

Bien! bien! cherchons un moyen, une issue…Mes idÇes se heurtent! ma tàte se brise!…

SAINT-MEGRIN, s’Çlanáant vers la fenàtre

Cette fenàtre…

LA DUCHESSE DE GUISE

Gardez-vous-en bien! vous vous tueriez!

SAINT-MEGRIN

Me tuer sans vengeance! Vous avez raison; je les attendrai.

LA DUCHESSE DE GUISE

O mon Dieu! mon Dieu! secourez-nous! Oh! toutes les mesures de vengeance ne sont que trop bien prises…Et c’est moi, moi qui n’ai pas pu souffrir… (Tombant Ö genoux) Comte, au nom du ciel! votre pardon (se relevant), ou plutìt, non, non, ne me pardonnez pas…et, si vous mourez, je mourrai avec vous. (Elle tombe dans un fauteuil)

SAINT-MEGRIN, Ö ses pieds

Eh bien, rends-moi donc la mort plus douce. Dis, dis-moi que tu m’aimes…C’est un pied dans la tombe que je t’en conjure. Je ne suis plus pour toi qu’un mourant. Les prÇjugÇs du monde disparaissent, les liens de la sociÇtÇ se brisent devant l’agonie. Entoure mes derniers moments des fÇlicitÇs du ciel…Ah! dis, dis-moi que je suis aimÇ.

LA DUCHESSE DE GUISE

Eh bien, oui, je vous aime! et depuis longtemps. Que de combats je me suis livrÇs pour fuir vos yeux, pour m’Çloigner de votre voix! Vos regards, vos paroles me poursuivaient partout. Non! pour nous, la sociÇtÇ n’a plus de liens, le monde n’a plus de prÇjugÇs… Ecoute-moi donc: oui, oui, je t’aime…Ici, dans cette màme chambre, que de fois j’ai fui un monde que ton absence dÇpeuplait pour moi! que de fois je suis venue m’isoler avec mon amour et mes pleurs! Et, alors, je revoyais tes yeux, j’entendais encore tes paroles, et je te rÇpondais. Eh bien, ces moments, ils ont ÇtÇ les plus doux de ma vie.

SAINT-MEGRIN

Oh! assez! assez! tu ne veux donc pas que je puisse mourir?… MalÇdiction!…LÖ, toutes les fÇlicitÇs de la terre, et lÖ, la mort, l’enfer…Oh! tais-toi, ne me dis plus que tu m’aimes…Avec ta haine, j’aurais bravÇ leurs poignards; et, maintenant, ah! je crois que j’ai peur! Tais-toi! tais-toi!

LA DUCHESSE DE GUISE

Saint-MÇgrin, oh! ne me maudis pas.

SAINT-MEGRIN

Si, si, je te maudis, pour ton amour qui me fait entrevoir le ciel et mourir!…mourir, jeune, aimÇ de toi! Est-ce que je puis mourir?… Non, non; redis-moi que tout cela n’Çtait qu’illusion et mensonge!

(On entend du bruit)

LA DUCHESSE DE GUISE

Ecoutez!…Ah! ce sont eux!

SAINT-MEGRIN

Ce sont eux. (Tirant son ÇpÇe et s’appuyant dessus avec calme) Eloigne-toi; tu m’as vu faible, insensÇ; en face de la mort, je redeviens un homme…Eloigne-toi!

LA DUCHESSE DE GUISE, apräs un moment de rÇflexion

Saint-MÇgrin! Çcoutez,…Çcoutez. Cette fenàtre, oui, oui! je m’en souviens…Il y a un balcon au premier Çtage; si vous l’atteignez une fois,…une ceinture,…une corde; vous pouvez descendre jusque-lÖ, et alors vous àtes sauvÇ. (Cherchant) Mon Dieu! rien, rien.

SAINT-MEGRIN

Calme-toi! calme-toi! (Allant Ö la fenàtre) Si je pouvais seulement distinguer ce balcon!…mais rien qu’un gouffre.

LA DUCHESSE DE GUISE

Ecoute…On entend du bruit dans la rue. (Se prÇcipitant vers la fenàtre) Qui que vous soyez, au secours! au secours!

SAINT-MEGRIN, l’arrachant de la fenàtre

Que fais-tu? veux-tu les avertir? (Un paquet de cordes tombe dans la chambre) Qu’est cela?

LA DUCHESSE DE GUISE

Ah! vous àtes sauvÇ! (Elle prend la corde) D’oó cela vient-il? Un billet. (Elle lit) ÆQuelques mots que j’ai entendus m’on tout appris. Je n’ai que ce moyen de vous sauver et je l’emploie. ARTHUR.Ø Arthur! O cher enfant! (A Saint-MÇgrin) C’est Arthur; fuyez, fuyez vite!

SAINT-MEGRIN, attachant la corde

En aurai-je le temps? Cette porte (on l’agite violemment), cette porte…

LA DUCHESSE DE GUISE

Attendez.

(Elle passe son bras entre les deux anneaux de fer)

SAINT-MEGRIN

Ah! Dieu! que faites-vous?

LA DUCHESSE DE GUISE

Laisse! Laisse! c’est le bras qu’il a dÇjÖ meurtri.

SAINT-MEGRIN

J’aime mieux mourir.

LE DUC DE GUISE, Çbranlant la porte

Ouvrez, madame, ouvrez.

LA DUCHESSE DE GUISE

Fuyez, fuyez! En fuyant, vous sauvez ma vie; si vous restez, je jure de mourir avec vous, et je mourrai dÇshonorÇe…Fuyez, fuyez!

SAINT-MEGRIN

Tu m’aimeras toujours?

LA DUCHESSE DE GUISE

Oui, oui.

LE DUC DE GUISE, en dehors

Des leviers, des haches,…que j’enfonce cette porte.

LA DUCHESSE DE GUISE

Pars donc! oui…oui…adieu!

SAINT-MEGRIN

Adieu!…Vengeance!

(Il met son ÇpÇe entre ses dents et descend par la fenàtre)

LA DUCHESSE DE GUISE

Mon Dieu! mon Dieu! je te remercie, il est sauvÇ. (Un moment de silence; puis tout Ö coup des cris, un cliquetis d’armes) Ah! (Elle quitte la porte, court Ö la fenàtre) Arthur! Saint-MÇgrin!

(Elle pousse un second cri, et revient tomber au milieu de la scäne)

SCENE III

LA DUCHESSE DE GUISE, presque Çvanouie; LE DUC DE GUISE, suivi de SAINT-PAUL, et de PLUSIEURS HOMMES

LE DUC DE GUISE, apräs un coup d’oeil rapide

Il sera descendu par cette fenàtre…Mais Mayenne Çtait dans la rue avec vingt hommes, et le bruit des armes…Va, Saint-Paul; vous, suivez-le. Va, et tu me diras si tout est fini. (Heurtant du pied la duchesse) Ah! c’est vous, madame. Eh bien, je vous ai mÇnagÇ un tàte-Ö-tàte.

LA DUCHESSE DE GUISE

Monsieur le duc, vous l’avez fait assassiner!

LE DUC DE GUISE

Laissez-moi, madame; laissez-moi.

LA DUCHESSE DE GUISE, Ö genoux, le prenant Ö bras-le-corps

Non, je m’attache Ö vous.

LE DUC DE GUISE

Laissez-moi, vous dis-je!…ou bien, oui, oui. Venez! Ö la lueur des torches, vous pourrez le revoir encore une fois. (Il la traÃ¥ne jusqu’Ö la fenàtre) Eh bien, Saint-Paul?

SAINT-PAUL, dans la rue

Attendez; il n’est pas tombÇ seul. Ah! ah!

LE DUC DE GUISE

Est-ce lui?

SAINT-PAUL

Non, c’est le petit page.

LA DUCHESSE DE GUISE

Arthur! Ah! pauvre enfant!

LE DUC DE GUISE

L’auraient-ils laissÇ fuir?…Les misÇrables!…

LA DUCHESSE DE GUISE, avec espoir

Oh!…

SAINT-PAUL

Le voici.

LE DUC DE GUISE

Mort?

SAINT-PAUL

Non, couvert de blessures, mais respirant encore.

LA DUCHESSE DE GUISE

Il respire! On peut le sauver. Monsieur le duc, au nom du ciel…

SAINT-PAUL

Il faut qu’il ait quelque talisman contre le fer et contre le feu…

LE DUC DE GUISE, jetant par la croisÇe le mouchoir de la duchesse de Guise

Eh bien, serre-lui la gorge avec ce mouchoir; la mort lui sera plus douce; il est aux armes de la duchesse de Guise.

LA DUCHESSE DE GUISE

Ah! (Elle tombe)

LE DUC DE GUISE, apräs avoir regardÇ un instant dans la rue

Bien! et maintenant que nous avons fini avec le valet, occupons-nous du maåtre.