Il fallait donc vous en servir et le faire juger.
HENRI
Les parlements sont pour lui.
SAINT-MEGRIN
Il fallait imposer aux parlements la puissance de votre volontÃ. La Bastille a de bonnes murailles, de larges fossÃs, un gouverneur fidäle; et M. de Guise, en s’y rendant, n’aurait eu qu’à suivre les traces des marÃchaux de Montmorency et de CossÃ.
HENRI
Mon ami, il n’y a pas de murailles assez solides pour enfermer un tel prisonnier…Je ne connais qu’un cercueil de plomb et un tombeau de marbre qui puissent m’en rÃpondre…Mets-le seulement en Ãtat d’y entrer, Saint-MÃgrin,…et je me charge de faire fondre l’un et d’Ãlever l’autre.
SAINT-MEGRIN
Et, cela Ãtant, sire, il sera puni, il est vrai, mais non pas comme il l’aura mÃritÃ.
HENRI
Peu m’importe la diffÃrence des moyens, quand le rÃsultat est le mà me…J’espà re, Saint-MÃgrin, que tu n’as rien nÃgligà pour te prÃparer à ce combat.
SAINT-MEGRIN
Non sire; mais je n’ai pas encore eu le temps d’accomplir mes devoirs religieux.
HENRI
Comment, tu n’en as pas eu le temps?…As-tu donc oublià le duel de Jarnac et de la Chataigneraie?…Il avait Ãtà fixà à quinze jours de celui du dÃfi…Eh bien, ces quinze jours, Jarnac les a passÃs en priäres, tandis que Chataigneraie courait de plaisirs en plaisirs, sans penser autrement à Dieu…Aussi, Dieu l’a puni, Saint-MÃgrin.
SAINT-MEGRIN
Sire, mon intention est d’accomplir tous mes devoirs de chrÃtien; mais, auparavant, il en est d’autres qui m’appellent…Permettez…
HENRI
Comment, d’autres?
SAINT-MEGRIN
Sire, ma vie est entre les mains de Dieu…et, s’il a dÃcide ma mort, sa volontà soit faite!
HENRI
Eh!…que dites-vous lÃ…Votre existence vous appartient-elle, monsieur, pour en faire si peu de cas?…Non, par la mort-Dieu! elle est à nous qui sommes votre roi et votre ami. Quand il s’agira de vos affaires, vous vous laisserez tuer, si tel est votre bon plaisir; mais, quand il s’agira des nìtres, monsieur le comte, nous vous prions d’y regarder à deux fois.
SAINT-MEGRIN
Vrai-Dieu! sire, je ferai de mon mieux; soyez tranquille.
HENRI
Tu feras de ton mieux?…Ce n’est point assez: fais-lui jurer qu’il n’a ni plastron, ni talisman, ni armes cachÃes; et, quand il l’aura fait, alors rappelle toute ta force, tout ton courage; pousse vivement à lui.
SAINT-MEGRIN
Oui, sire.
HENRI
Une fois dÃlivrà de lui, vois-tu, nous ne sommes plus deux en France, je suis vraiment roi,…vraiment libre…Ma märe va à tre fiäre du conseil qu’elle m’a donnÃ; car, tu avais raison, il vient d’elle, et il faudra que je le paye en obÃissance…
SAINT-MEGRIN
Sire, Dieu et mon ÃpÃe me seront en aide.
HENRI
Ton ÃpÃe, je veux en juger par moi-mà me… (Il appelle) Du Halde! apporte des ÃpeÃs ÃmoussÃes.
SAINT-MEGRIN
Sire, est-ce à une pareille heure, quand Votre Majestà doit avoir besoin de repos?…
HENRI
Du repos!…du repos!…Ils sont tous à me parler de repos!… Crois-tu qu’il dorme, lui?…ou, s’il dort, que rà ve-t-il? Qu’il commande insolemment sur le trìne de France, et que moi…moi, son roi…je prie humblement dans un cloÃ¥tre…Un roi ne dort pas, Saint-MÃgrin. (Appelant) Du Halde! donne-nous ces ÃpÃes.
SAINT-MEGRIN
L’heure s’envole; elle m’attend. (Haut) Sire, il m’est impossible; vous m’avez rappelà des devoirs sacrÃs, il faut que je les accomplisse.
HENRI
Eh bien, Ãcoute, demain… (L’heure sonne) Attends, c’est minuit je crois?
SAINT-MEGRIN
Oui, sire, c’est minuit.
HENRI
Chaque fois que sonne cette heure, je prie Dieu de bÃnir le jour oó je vais entrer…Il faut que je te quitte; mais viens me trouver demain avant le combat. Du Halde, porte ces ÃpÃes dans ma chambre.
SAINT-MEGRIN
J’irai, sire, j’irai.
HENRI
Bien, je compte sur toi.
SAINT-MEGRIN
Maintenant, je puis me retirer. Votre Majestà est satisfaite.
HENRI
Oui, le roi est si content, que l’ami veut faire quelque chose pour toi…Tiens, voici un talisman sur lequel Ruggieri a prononcà des charmes; celui qui le porte ne peut mourir, ni par le fer, ni par le feu. Je te le prà te; tu me le rendras, au moins, apräs le combat?
SAINT-MEGRIN
Oui, sire…
HENRI
Adieu, Saint-MÃgrin.
SAINT-MEGRIN
Adieu, sire, adieu!… (Le roi sort)
SCENE VIII
SAINT-MEGRIN, GEORGES
SAINT-MEGRIN
Je suis seul, enfin. (Appelant) Georges!…Ah! te voilÃ…Mon costume…Bien…Aide-moi!…Aide-moi!…
GEORGES
Vous allez sortir…Voulez-vous que je fasse venir une chaise à porteurs?
SAINT-MEGRIN
Non…
GEORGES
Le temps est à l’orage.
SAINT-MEGRIN
Oui. (Allant à la fenà tre, avec un rire convulsif) Il n’y aura bientìt plus une Ãtoile au ciel…
GEORGES
Et vous allez sortir à pied?
SAINT-MEGRIN
Oui, Ã pied…
GEORGES
Sans armes?…
SAINT-MEGRIN
J’ai mon ÃpÃe et mon poignard, cela suffit…Cependant, donne-moi l’ÃpÃe de Schomberg; elle est plus forte. (A part) Je vais la voir; encore un instant et je suis à ses pieds.
GEORGES
La voici…Voulez-vous que je vous accompagne?
SAINT-MEGRIN
Non. Il faut que je sorte seul.
GEORGES
A minuit passÃ!…que dirait votre märe si elle savait?
SAINT-MEGRIN
Ma märe!…oui, oui, tu as raison…L’orage s’Ãtend…Ma pauvre märe!…je voudrais bien la revoir,…ne fñt-ce qu’un instant. Ecoute: tu lui donneras cette chaÃ¥ne (coupant une boucle de ses cheveux avec son poignard), ces cheveux, demain, si tu ne me vois pas, entends-tu?
GEORGES
Et pourquoi, pourquoi?…
SAINT-MEGRIN
Tu ne sais pas, tu ne sais pas…Donne-moi mon manteau…
GEORGES
Mon maÃ¥tre,…mon jeune maÃ¥tre,…ne sortez pas, au nom du ciel!…la nuit sera terrible.
SAINT-MEGRIN
Oui, peut-à tre terrible… (A part) n’importe, il le faut, elle m’attend; j’ai tardà beaucoup…MalÃdiction! s’il Ãtait trop tard…
GEORGES
Au nom du ciel, laissez-moi vous suivre.
SAINT-MEGRIN, avec coläre
Reste, je te l’ordonne.
GEORGES
Mon maåtre!
SAINT-MEGRIN, lui tendant la main
Non! embrasse-moi…Adieu…N’oublie pas ma märe.
ACTE CINQUIEME
Le salon dans lequel la duchesse de Guise est enfermÃe
SCENE PREMIERE
LA DUCHESSE DE GUISE, seule
Elle a encore sur la tà te les fleurs dont elle Ãtait parÃe au troisiäme acte; elle Ãcoute sonner l’heure
Minuit et demi…Avec quelle lenteur l’heure se traÃ¥ne…Oh! s’il pouvait m’aimer assez peu pour ne pas venir…Jusqu’à une heure du matin, les portes de l’hìtel resteront ouvertes; dÃjà j’y ai vu entrer les ligueurs qui doivent s’y rÃunir. Sans doute, il n’Ãtait pas avec eux. Encore une demi-heure d’angoisses et de tourments… et, depuis deux heures que je suis enfermÃe dans cette chambre, je n’ai fait qu’Ãcouter si je n’entendais point le bruit de ses pas. J’ai voulu prier;…prier!… (Ecoutant en se rapprochant de la porte) Ah! mon Dieu! Non…non…ce n’est pas encore lui… (Allant à la fenà tre) Si cette nuit Ãtait moins sombre, je pourrais l’apercevoir, et, par quelque signe, peut-à tre, l’avertir du danger; mais nul espoir!…La porte de l’hìtel se referme!…il est sauvÃ! pour cette nuit du moins…Quelque obstacle l’aura arrà tà loin de moi. Arthur n’aura pu le trouver; et peut-à tre, demain, sera-t-il quelque moyen de lui faire connaÃ¥tre le piäge oó on voulait l’attirer. Oh! oui, j’en trouverai…je… (Ecoutant) J’ai cru entendre. (S’approchant de la porte) Des pas, encore! Sont-ce ceux de M. de Guise?…Non, non,…On monte; on s’arrà te. Ah! on se rapproche…On vient! (Avec effroi) N’entrez pas! n’entrez pas! fuyez! Fuir, et comment? C’Ãtait derriäre lui que la porte s’Ãtait refermÃe. Ah! mon Dieu! plus d’espoir!
(La porte s’ouvre; elle recule à mesure que Saint-MÃgrin s’avance)
SCENE II
LA DUCHESSE DE GUISE, SAINT-MEGRIN
SAINT-MEGRIN
Je ne m’Ãtais donc pas trompÃ; c’Ãtait votre voix que j’avais entendue; elle m’a guidÃ!
LA DUCHESSE DE GUISE
Ma voix! ma voix! elle vous disait de fuir.
SAINT-MEGRIN
Que j’Ãtais insensÃ! je ne pouvais croire à tant de bonheur!
LA DUCHESSE DE GUISE
Cette porte est encore ouverte! fuyez, monsieur le comte, fuyez!
SAINT-MEGRIN
Ouverte! oui…Imprudent que je suis! (Il la referme)
LA DUCHESSE DE GUISE
Monsieur le comte, Ãcoutez-moi!
SAINT-MEGRIN
Oh! oui, oui! parle! j’ai besoin de t’entendre, pour croire à ma fÃlicitÃ.
LA DUCHESSE DE GUISE
Fuyez, fuyez! la mort est lÃ!…des assassins!
SAINT-MEGRIN
Que dites-vous! quels sont ces mots de mort et d’assassins?
LA DUCHESSE DE GUISE
Oh! Ãcoutez-moi,…Ãcoutez-moi…Au nom du ciel! sortez de ce dÃlire insensÃ…Il y va de la vie, vous dis-je! ils vous ont attirà dans un piäge infernal; ils veulent vous assassiner.
SAINT-MEGRIN
M’assassiner! cette lettre n’Ãtait donc pas de vous?
LA DUCHESSE DE GUISE
Elle Ãtait de moi; mais la violence, la torture…Voyez! (Elle lui montre son bras) Voyez…
SAINT-MEGRIN
Ah!
LA DUCHESSE DE GUISE
C’est moi qui ai Ãcrit ce billet;…mais c’est le duc qui l’a dictÃ.
SAINT-MEGRIN, le dÃchirant
Le duc! et j’ai pu croire?…Non, non, je ne l’ai pas cru un seul instant. Mon Dieu! mon Dieu! mon Dieu! elle ne m’aime pas!
LA DUCHESSE DE GUISE
Maintenant que vous savez tout, fuyez, fuyez! je vous l’ai dit, il y va de la vie.
SAINT-MEGRIN
Elle ne m’aime pas…
(Il met sa main dans sa poitrine, et la meurtrit)
LA DUCHESSE DE GUISE
Oh mon Dieu! mon Dieu!
SAINT-MEGRIN, riant
C’est ma vie, dites-vous, qu’ils veulent? Eh bien, je vais la leur porter, mais sans rien conserver de vous! tenez, voilà ce bouquet, que mon existence a failli payer. D’un mot, vous m’avez dÃtachà de la vie, comme ces fleurs de leur tige…Adieu! adieu! pour jamais! (Il veut rouvrir la porte) Cette porte est renfermÃe.
LA DUCHESSE DE GUISE
C’est lui! il sait dÃjà que vous à tes ici.
SAINT-MEGRIN
Ah! qu’il vienne! qu’il vienne! Henri! n’auras-tu de courage que pour meurtrir les bras d’une femme?…Ah! viens! viens!
LA DUCHESSE DE GUISE
Ne l’appelez pas! ne l’appelez pas! il doit venir!…
SAINT-MEGRIN
Que vous importe? je vous suis indiffÃrent. Ah! la pitiÃ! oui…
LA DUCHESSE DE GUISE
Mais, si vous m’aidiez, peut-Ã tre pourriez-vous fuir.
SAINT-MEGRIN
Moi, fuir! et pourquoi? ma mort et ma vie ne sont-elles pas des ÃvÃnements Ãgalement Ãtrangers dans votre existence?…Fuir! et fuirais-je aussi votre indiffÃrence, votre haine peut-Ã tre?
LA DUCHESSE DE GUISE
Mon indiffÃrence! ma haine! ah! plñt au ciel!…
SAINT-MEGRIN
Plñt au ciel! dis-tu? Un mot, un mot encore, et je t’obÃirai aveuglement…Dis; ma mort doit-elle à tre pour toi plus affreuse que l’assassinat d’un homme?
LA DUCHESSE DE GUISE
Grand Dieu! il le demande…Oh! oui, oui.
SAINT-MEGRIN
Tu ne me trompes pas! je te rends grÃce! Tu parlais de fuir! de moyens! Quels sont-ils? Fuir, moi, fuir devant le duc de Guise?… Jamais!…
LA DUCHESSE DE GUISE
Ce n’est pas devant le duc de Guise que vous fuiriez, c’est devant des assassins. Retenu dans une autre partie de l’hìtel, par cette rÃunion de ligueurs, il a voulu s’assurer qu’une fois ici, vous ne sauriez lui Ãchapper. Si nous pouvions seulement fermer cette porte, nous aurions encore quelques instants; mais la barre en a Ãtà enlevÃe; une seconde clef est entre ses mains (cherchant), et l’autre…
SAINT-MEGRIN
N’est-ce que cela? Attendez. (Il brise la pointe de son poignard dans la serrure) Maintenant, cette porte ne s’ouvrira plus qu’on ne l’enfonce.
LA DUCHESSE DE GUISE
Bien! bien! cherchons un moyen, une issue…Mes idÃes se heurtent! ma tà te se brise!…
SAINT-MEGRIN, s’Ãlanáant vers la fenà tre
Cette fenà tre…
LA DUCHESSE DE GUISE
Gardez-vous-en bien! vous vous tueriez!
SAINT-MEGRIN
Me tuer sans vengeance! Vous avez raison; je les attendrai.
LA DUCHESSE DE GUISE
O mon Dieu! mon Dieu! secourez-nous! Oh! toutes les mesures de vengeance ne sont que trop bien prises…Et c’est moi, moi qui n’ai pas pu souffrir… (Tombant à genoux) Comte, au nom du ciel! votre pardon (se relevant), ou plutìt, non, non, ne me pardonnez pas…et, si vous mourez, je mourrai avec vous. (Elle tombe dans un fauteuil)
SAINT-MEGRIN, Ã ses pieds
Eh bien, rends-moi donc la mort plus douce. Dis, dis-moi que tu m’aimes…C’est un pied dans la tombe que je t’en conjure. Je ne suis plus pour toi qu’un mourant. Les prÃjugÃs du monde disparaissent, les liens de la sociÃtà se brisent devant l’agonie. Entoure mes derniers moments des fÃlicitÃs du ciel…Ah! dis, dis-moi que je suis aimÃ.
LA DUCHESSE DE GUISE
Eh bien, oui, je vous aime! et depuis longtemps. Que de combats je me suis livrÃs pour fuir vos yeux, pour m’Ãloigner de votre voix! Vos regards, vos paroles me poursuivaient partout. Non! pour nous, la sociÃtà n’a plus de liens, le monde n’a plus de prÃjugÃs… Ecoute-moi donc: oui, oui, je t’aime…Ici, dans cette mà me chambre, que de fois j’ai fui un monde que ton absence dÃpeuplait pour moi! que de fois je suis venue m’isoler avec mon amour et mes pleurs! Et, alors, je revoyais tes yeux, j’entendais encore tes paroles, et je te rÃpondais. Eh bien, ces moments, ils ont Ãtà les plus doux de ma vie.
SAINT-MEGRIN
Oh! assez! assez! tu ne veux donc pas que je puisse mourir?… MalÃdiction!…LÃ, toutes les fÃlicitÃs de la terre, et lÃ, la mort, l’enfer…Oh! tais-toi, ne me dis plus que tu m’aimes…Avec ta haine, j’aurais bravà leurs poignards; et, maintenant, ah! je crois que j’ai peur! Tais-toi! tais-toi!
LA DUCHESSE DE GUISE
Saint-MÃgrin, oh! ne me maudis pas.
SAINT-MEGRIN
Si, si, je te maudis, pour ton amour qui me fait entrevoir le ciel et mourir!…mourir, jeune, aimà de toi! Est-ce que je puis mourir?… Non, non; redis-moi que tout cela n’Ãtait qu’illusion et mensonge!
(On entend du bruit)
LA DUCHESSE DE GUISE
Ecoutez!…Ah! ce sont eux!
SAINT-MEGRIN
Ce sont eux. (Tirant son ÃpÃe et s’appuyant dessus avec calme) Eloigne-toi; tu m’as vu faible, insensÃ; en face de la mort, je redeviens un homme…Eloigne-toi!
LA DUCHESSE DE GUISE, apräs un moment de rÃflexion
Saint-MÃgrin! Ãcoutez,…Ãcoutez. Cette fenà tre, oui, oui! je m’en souviens…Il y a un balcon au premier Ãtage; si vous l’atteignez une fois,…une ceinture,…une corde; vous pouvez descendre jusque-lÃ, et alors vous à tes sauvÃ. (Cherchant) Mon Dieu! rien, rien.
SAINT-MEGRIN
Calme-toi! calme-toi! (Allant à la fenà tre) Si je pouvais seulement distinguer ce balcon!…mais rien qu’un gouffre.
LA DUCHESSE DE GUISE
Ecoute…On entend du bruit dans la rue. (Se prÃcipitant vers la fenà tre) Qui que vous soyez, au secours! au secours!
SAINT-MEGRIN, l’arrachant de la fenà tre
Que fais-tu? veux-tu les avertir? (Un paquet de cordes tombe dans la chambre) Qu’est cela?
LA DUCHESSE DE GUISE
Ah! vous à tes sauvÃ! (Elle prend la corde) D’oó cela vient-il? Un billet. (Elle lit) ÃQuelques mots que j’ai entendus m’on tout appris. Je n’ai que ce moyen de vous sauver et je l’emploie. ARTHUR.à Arthur! O cher enfant! (A Saint-MÃgrin) C’est Arthur; fuyez, fuyez vite!
SAINT-MEGRIN, attachant la corde
En aurai-je le temps? Cette porte (on l’agite violemment), cette porte…
LA DUCHESSE DE GUISE
Attendez.
(Elle passe son bras entre les deux anneaux de fer)
SAINT-MEGRIN
Ah! Dieu! que faites-vous?
LA DUCHESSE DE GUISE
Laisse! Laisse! c’est le bras qu’il a dÃjà meurtri.
SAINT-MEGRIN
J’aime mieux mourir.
LE DUC DE GUISE, Ãbranlant la porte
Ouvrez, madame, ouvrez.
LA DUCHESSE DE GUISE
Fuyez, fuyez! En fuyant, vous sauvez ma vie; si vous restez, je jure de mourir avec vous, et je mourrai dÃshonorÃe…Fuyez, fuyez!
SAINT-MEGRIN
Tu m’aimeras toujours?
LA DUCHESSE DE GUISE
Oui, oui.
LE DUC DE GUISE, en dehors
Des leviers, des haches,…que j’enfonce cette porte.
LA DUCHESSE DE GUISE
Pars donc! oui…oui…adieu!
SAINT-MEGRIN
Adieu!…Vengeance!
(Il met son ÃpÃe entre ses dents et descend par la fenà tre)
LA DUCHESSE DE GUISE
Mon Dieu! mon Dieu! je te remercie, il est sauvÃ. (Un moment de silence; puis tout à coup des cris, un cliquetis d’armes) Ah! (Elle quitte la porte, court à la fenà tre) Arthur! Saint-MÃgrin!
(Elle pousse un second cri, et revient tomber au milieu de la scäne)
SCENE III
LA DUCHESSE DE GUISE, presque Ãvanouie; LE DUC DE GUISE, suivi de SAINT-PAUL, et de PLUSIEURS HOMMES
LE DUC DE GUISE, apräs un coup d’oeil rapide
Il sera descendu par cette fenà tre…Mais Mayenne Ãtait dans la rue avec vingt hommes, et le bruit des armes…Va, Saint-Paul; vous, suivez-le. Va, et tu me diras si tout est fini. (Heurtant du pied la duchesse) Ah! c’est vous, madame. Eh bien, je vous ai mÃnagà un tà te-Ã-tà te.
LA DUCHESSE DE GUISE
Monsieur le duc, vous l’avez fait assassiner!
LE DUC DE GUISE
Laissez-moi, madame; laissez-moi.
LA DUCHESSE DE GUISE, à genoux, le prenant à bras-le-corps
Non, je m’attache à vous.
LE DUC DE GUISE
Laissez-moi, vous dis-je!…ou bien, oui, oui. Venez! à la lueur des torches, vous pourrez le revoir encore une fois. (Il la traÃ¥ne jusqu’à la fenà tre) Eh bien, Saint-Paul?
SAINT-PAUL, dans la rue
Attendez; il n’est pas tombà seul. Ah! ah!
LE DUC DE GUISE
Est-ce lui?
SAINT-PAUL
Non, c’est le petit page.
LA DUCHESSE DE GUISE
Arthur! Ah! pauvre enfant!
LE DUC DE GUISE
L’auraient-ils laissà fuir?…Les misÃrables!…
LA DUCHESSE DE GUISE, avec espoir
Oh!…
SAINT-PAUL
Le voici.
LE DUC DE GUISE
Mort?
SAINT-PAUL
Non, couvert de blessures, mais respirant encore.
LA DUCHESSE DE GUISE
Il respire! On peut le sauver. Monsieur le duc, au nom du ciel…
SAINT-PAUL
Il faut qu’il ait quelque talisman contre le fer et contre le feu…
LE DUC DE GUISE, jetant par la croisÃe le mouchoir de la duchesse de Guise
Eh bien, serre-lui la gorge avec ce mouchoir; la mort lui sera plus douce; il est aux armes de la duchesse de Guise.
LA DUCHESSE DE GUISE
Ah! (Elle tombe)
LE DUC DE GUISE, apräs avoir regardà un instant dans la rue
Bien! et maintenant que nous avons fini avec le valet, occupons-nous du maåtre.